Au Sénégal, Ousmane Sonko rassemble autour de lui de nombreux jeunes issus de différentes classes sociales. Comment comprendre une telle popularité au niveau des jeunes qui, pour la plupart, se désintéressaient de la politique ?
Dans son pays, Ousmane Sonko jouit d’une popularité grandissante. Défenseur des valeurs religieuses et traditionnelles, il tranche par son âge (48 ans) avec une grande partie de la classe politique. Profitant de son positionnement antisystème, Sonko est validé par les jeunes dans un pays où plus de la moitié de la population a moins de 20 ans.
De toute évidence, l’ancien inspecteur des impôts à la rapide ascension politique a su captiver la jeunesse par son discours, son parcours et sa proximité.
Un leader captivant
Dans un contexte marqué par le chômage et la pauvreté grandissante, Ousmane Sonko se révèle comme la voix d’une partie de la population qui se dit moins écoutée. Chacune des sorties d’Ousmane Sonko est une opportunité de démonstration de soutien pour les jeunes. Leur point commun : un profond désir de changement.
Monsieur Sonko est présenté comme celui qui vient briser les codes en apportant un discours nouveau. Son image d’homme intègre farouchement opposé à l’enrichissement d’une classe politique jugée corrompue sur le dos de la population, lui ont valu auprès de ses supporteurs une carrure d’homme d’État.
« Ousmane Sonko a le profil jeune, il a le profil technique des jeunes, il a le discours des jeunes, il sait donc leur parler, galvaniser les foules. De ce point de vue-là, ça lui a donné le buzz. Ça lui a même donné une certaine popularité, au-delà des espérances de certains de ses supporters. Il est présent au Sénégal, il est présent dans la diaspora », déclare l’observateur politique Ibrahima Bakhoum.
« Ils veulent un homme nouveau »
Sous les vivats de ses jeunes soutiens, Ousmane Sonko n’hésite pas à critiquer la gouvernance de Macky Sall, dont il dénonce les dérives. Avec ce discours, Sonko est considéré comme l’homme politique providentiel que cherchaient les Sénégalais.
« Ils veulent un homme nouveau, quelqu’un qui va changer leur mental, qui va changer leur vision, leur rapport avec l’argent, qui va changer leur rapport avec la société et les biens sociaux… Il est très simple à expliquer parce que les Sénégalais ont vu l’homme Ousmane Sonko en homme intègre, un patriote, c’est ça qui est à l’origine du plébiscite qu’il est en train d’avoir au niveau national. Parce qu’il faut le rappeler, Ousmane Sonko a été révélé et porté d’abord par les autres parties du Sénégal, notamment la capitale Dakar et le nord, avant que la Casamance qui est sa région d’origine ne l’adopte », indique Lamine Gassama, président d’une organisation non gouvernementale.
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De plus, Monsieur Sonko a vu son image prendre une autre dimension à l’occasion d’une tournée effectuée en 2018 auprès de la diaspora sénégalaise. Une diaspora qui reste également l’une de ses principales forces. Afrique Intelligence annonce d’ailleurs que le parti réfléchit actuellement à l’organisation d’une nouvelle série de déplacements à l’étranger dans les mois à venir.
Sonko ou l’art de la persuasion
Monsieur Ousmane Sonko tient un discours à la fois souverainiste, panafricaniste et social, pourfendant les élites et la corruption. A l’aise dans les médias, il dénonce aussi l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française et les multinationales.
L’art de convaincre en se basant sur le quotidien des sénégalais, une des techniques utilisées par Sonko. Ce qui plait, comme en témoigne Babacar Ndiaye, vice-coordinateur national des jeunes du Pastef, le parti d’Ousmane Sonko.
« Je pense qu’il a eu à m’appeler deux fois ou trois fois, avant que je ne le rejoigne. Au début je lui ai dit que moi je n’ai rien de politique et que vraiment ça ne m’enchantait pas. Mais il a l’art de convaincre, il a l’art d’expliquer, il a l’art d’ouvrir les yeux au Sénégalais et à l’Africain de souche.
« Il a su me convaincre. Il a su me faire comprendre beaucoup de choses que j’ignorais, surtout cette fameuse phrase qu’il ne cesse de répéter : si vous refusez de faire de la politique, les médiocres vont le faire et vous diriger de façon médiocre, décider de votre destin de façon médiocre et vous n’y pourrai absolument rien. »
Ce discours, Sonko le tient depuis 2014, année de création de son parti politique sous l’étendard duquel il a été élu député suite aux législatives de 2017. Comme Ndiaye, beaucoup de jeunes ont revu leurs positions sur la vie politique du pays pour s’aligner derrière le leader du Pastef.
« C’est une lanterne pour nous. Ousmane Sonko a su éveiller quelque chose qui dormait depuis longtemps chez les jeunes » confiait récemment à France 24 Rokhaya Diop, une militante du Pastef.
« Les gens voient en lui un Thomas Sankara, un Patrice Lumumba, un Cheikh Anta Diop, un Kwame Nkrumah, parce qu’il incarne les principes pour lesquels ces gens se battaient », renchérit un autre.
Dans les milieux universitaires et dans les régions à l’intérieur du pays, Ousmane Sonko est plébiscité et reste un adversaire redoutable pour ses concurrents.
Un parcours unique
Ousmane Sonko est issu de la Casamance où il fait sa jeunesse jusqu’en 1993. Le baccalauréat en poche cette année-là, il prend la direction l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Unité de formation et de recherche (UFR) des Sciences juridiques où il se spécialise en droit public.
Son parcours universitaire brillant le mène jusqu’à l’École nationale d’administration du Sénégal. Inspecteur principal des Impôts et des Domaines au début de sa carrière, Ousmane Sonko a été successivement vérificateur fiscal et chef de Brigade de vérification fiscale, chargé du secteur immobilier. Il a aussi été auditeur interne en charge de la rédaction de la charte de déontologie à la Direction du Contrôle Interne de la Direction Générale des Impôts et Domaines.
Après seulement deux ans dans l’administration, il a créé le Syndicat autonome des agents des Impôts et Domaines (SAID). Et déjà, à cette période, il avait commencé à critiquer le gouvernement. Il accuse notamment l’Etat d’anomalies fiscales et budgétaires en mettant en cause le président Macky Sall.
A la suite, Ousmane est radié de la fonction publique en 2016 pour « manquement au droit de réserve ». Loin de le destabiliser, ce fait marquant, largement relayé par la presse sénégalaise, a permis de révéler Ousmane Sonko au grand public. D’autres démêlés avec la justice continueront par booster sa cote de popularité au fil des années.
Plaintes et arrestations, autres combats de Sonko
Accusé de viol et de menaces de mort par une masseuse d’un salon de beauté de Dakar, Ousmane Sonko, avait été arrêté le 3 mars 2021. Cette arrestation a fait exploser une colère qui sourdait depuis plusieurs mois parmi la jeunesse sénégalaise, que les crises sanitaires et économiques ont vivement touchée. Libéré le 8 mars 2021, il est ressorti grandit.
Selon lui, cette affaire est un « complot » pour l’évincer de la scène politique, comme l’ont été par le passé l’ancien maire de Dakar, Monsieur Khalifa Sall, et le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, Monsieur Karim Wade.
Ce n’est pas tout. Une autre plainte a été déposée par l’actuel ministre du tourisme, Mame Mbaye Niang contre Ousmane Sonko qui l’avait publiquement accusé d’avoir été épinglé dans un rapport de l’Inspection Générale d’Etat pour des détournements présumés au PRODAC, le « Programme des domaines agricoles communautaires ». Des propos « diffamatoires et mensongers » selon le ministre. Après son ouverture le 16 février 2023, le procès a été renvoyé au 16 mars.
Grande mobilisation pour sa protection
Alors qu’il était en déplacement à Mbacké, le pare-brise de son véhicule a été cassé, soit par les forces de l’ordre, soit par les individus malveillants. Des heurts avaient opposé des jeunes acquis à sa cause aux forces de l’ordres, à la suite de l’interdiction de leur rassemblement pour vice de procédure dans la demande d’autorisation. Mais la mobilisation des jeunes autour du véhicule de l’opposant lui a permi de se protéger.
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Pour assurer sa protection, les citoyens se sont mobilisés, pour collecter de l’argent afin d’acheter une voiture blindée pour lui. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’initiative est plébiscitée. Une dizaine de jours après son lancement, la collecte a déjà atteint plus de 30 millions de FCFA.
Jeudi dernier, les images montrant l’exfiltration du leader du Pastef par les éléments de la Gign qui ont caillassé le vitre de sa voiture pour le ramener manu militari à son domicile, ont suscité de vives réactions.
Présidentielle face à Macky Sall ?
Au fil des années, le maire de Ziguinchor est devenu un véritable poil à gratter pour Monsieur Macky Sall dont il convoite le fauteuil. Arrivé troisième à l’élection présidentielle de 2019 avec 15 % des suffrages, il vise désormais une victoire en 2024.
En Février 2024, à l’occasion de l’élection présidentielle, Monsieur Ousmane Sonko devrait être l’un des sérieux adversaires du président Macky Sall si ce dernier décidait à briguer un nouveau mandat. Le président actuel entretient le flou sur son intention de passer outre ou non les objections constitutionnelles et de briguer un troisième mandat.
« Si les faucons qui entourent Macky Sall au Palais lui ont fait croire qu’il peut rester Président du Sénégal au-delà du 25 février 2024, ils l’ont trompé. C’est terminé pour lui. Je vais lui dire ça en Wolof. S’il ne comprend Wolof, je vais lui dire ça en Pulaar, s’il ne comprend pas pulaar, je vais lui dire ça en Diola, s’il ne comprend pas Diola, je vais lui dire ça en Socé, s’il ne comprend pas Socé, je vais lui dire ça en anglais : Macky Sall, The Game is over », a martelé Sonko le dimanche 19 février au cours d’un meeting au Stade Amadou Barry de Dakar.
La campagne est loin d’avoir officiellement commencé. Mais Sonko multiplie les rassemblements aux airs de démonstrations de force. A ce rendez-vous de 2024, le soutien des jeunes qui représentent 75% de la population sénégalaise, reste un enjeu majeur.