Les Camerounais doivent-ils s’inquiéter pour 2023 ? La situation socio-économique évoquée par Maurice Kamto (MRC) dans son message de nouvel an est sombre. Et l’horizon ne devrait pas s’éclaircir de si tôt.
Après la flambée des prix sur les marchés en 2022, la nouvelle année devrait s’avérer difficile pour les populations. C’est la conviction partagée par Maurice Kamto dans son message de nouvel an.
« L’année 2022 a mis notre pays à rude épreuve et annonce une année 2023, plus difficile ». Cette phrase intrigante, prononcée par Maurice Kamto au début de son discours, qui suscite réflexion.
La cherté de la vie se fait de plus en plus ressentir au sein d’une population qui ne voit pas son pouvoir d’achat augmenter.
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Flambée des prix des produits sur le marché
Selon l’Institut national de la statistique (INS), le niveau général des prix à la consommation finale des ménages a continué de progresser.
En septembre 2022, dans la ville de Douala, ces prix ont connu une augmentation de 6,9% en glissement annuel, « sous l’effet de la flambée de 14,8% des prix des produits alimentaires ».
Les prix des produits alimentaires locaux ont également enregistré une hausse de 2% supérieurs à ceux des denrées importées.
Le même exercice, réalisé en début d’année par l’INS pour Yaoundé, a révélé qu’entre janvier 2021 et janvier 2022, les prix des produits alimentaires importés y ont augmenté de 8,5%.
Sur la même période, les prix des produits locaux, eux, ont augmenté de 7,3%. Depuis fin février dernier, le prix de l’huile de palme est également en hausse constante.
La question des salaires
Face à cette flambée des prix sur le marché, les travailleurs espèrent un accompagnement.
Les multiples réunions entre syndicats, patronat et gouvernement n’ont cepedant rien donné. Des syndicats des travailleurs qui réclamaient un SMIG à 100.000 FCFA, n’ont rien obtenu pour l’instant.
La dernière revalorisation du SMIG remonte à 2014. Il était passé de 28 216 F à 36 270 FCFA par mois, soit une hausse de 8000 F. Et depuis, plus rien. Ce SMIG qui est resté statique au Cameroun, bouge par contre dans certains pays de la sous-région.
Chez les voisins, le salaire minimum est à 128.000 francs CFA en Guinée équatoriale, 80.000 francs au Gabon, et 60.000 francs au Tchad. C’est seulement en République centrafricaine qu’il est en dessous de celui du Cameroun. Il y est à 35.000 francs.
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Faut-il s’inquiéter pour 2023 ?
Sur le plan économique, il est difficile d’entrevoir une évolution au niveau du prix des produits de première nécessité.
Dans son rapport publié en janvier 2022, l’INS explique cette inflation par plusieurs raisons. Ces situations restent présentes en ce début de 2023. Il s’agit notamment :
- de la conjoncture internationale toujours favorable à l’inflation;
- du resserrement des disponibilités des produits agricoles sur les marchés, dû aux changements climatiques qui perturbent les cycles agricoles;
- de l’insécurité persistante dans certaines régions du Cameroun. Elle continue de diminuer les capacités de production des ménages agricoles, et qui limite les échanges commerciaux nationaux et internationaux;
- de l’approvisionnement limité des grands centres de consommation à cause de la dégradation de certains axes du réseau routier ou ferroviaire;
- des pratiques spéculatives de certains commerçants;
- de la transmission des fortes hausses des coûts de production (matières premières et intrants agricoles) sur les prix de vente des consommateurs;
- des difficultés d’approvisionnement et de l’indisponibilité de certains produits.
Le carburant pourrait coûter plus cher
« Notre pays ne pourra pas indéfiniment échapper à un réajustement des prix des produits pétroliers »
La question du carburant préoccupe également plus d’un. Avec les difficultés d’approvisionnement et de spéculation éprouvées au cours de l’année en 2022, l’on est en droit d’être inquiet pour 2023.
Ce n’est pas le discours à la nation du président Paul Biya qui va rassurer. Le spectre d’une augmentation des prix des produits pétroliers plane.
L’Etat, qui a déboursé en 2022, 700 milliards de FCFA pour subventionner le carburant, et 75 milliards de FCFA pour le gaz domestique, se dit essoufflé.
Le président Biya déclare dans son message à la Nation : « Il est de plus en plus évident que notre pays, comme bien d’autres en Afrique et ailleurs, ne pourra pas indéfiniment échapper à un réajustement des prix des produits pétroliers, si nous voulons préserver nos équilibres budgétaires et poursuivre sereinement la mise en œuvre de notre politique de développement »

Une augmentation des prix des produits pétroliers devrait avoir des répercussions sur les prix sur le marché. Et le pouvoir d’achat des populations restant lui au plus bas.
Les réponses du gouvernement
Pour lutter contre la spéculation, les pouvoirs publics ont mis en œuvre des mesures d’approvisionnement régulier et suffisant des marchés. À celles-ci s’ajoutent les mesures fiscales et douanières.
Dans le même sens, la loi de finances 2023 prévoit des mesures pour alléger la charge fiscale des contribuables et particulièrement des entreprises.
Il s’agit notamment de poursuite de la politique de décrue des taux d’imposition à travers la réduction de 28% à 25% du taux de l’impôt sur les sociétés pour les PME.
Pour soutenir la production locale des produits pharmaceutiques et des engrais, il est prévu l’extension de l’abattement de 50% du taux d’acompte de l’impôt sur le revenu aux entreprises œuvrant dans ce secteur.
Au niveau du secteur agricole il y a notamment l’abattement de 50 % au titre de l’acompte mensuel et de l’impôt sur le revenu des entreprises qui procèdent à la transformation de la matière première locale dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, des produits du cuir et de l’ébénisterie.
Comme Maurice Kamto, les syndicats inquiets
Ces réponses seront-elles à la hauteur des attentes des populations ? Comme Maurice Kamto, plusieurs syndicats n’y croient pas.
En décembre 2022, près d’une dizaine de syndicats, dont la plupart des enseignants, se sont réunis à Yaoundé pour adresser une lettre au président de la République, au lendemain de sa promulgation de la loi de finances 2023.
Les enseignants estiment dans leur note que cette loi va plutôt « amputer de façon significative le pouvoir d’achat des couches vulnérables ».
Le pays, qui est placé sous la tutelle financière du FMI, aura-t-il les moyens de pouvoir soulager les peines des populations ? Maurice Kamto pourrait avoir raison, à moins qu’il y ait une réelle volonté politique de faire évoluer les choses.
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