Un violent conflit est né samedi, 3 février entre Tikar et Bamoun à Magba. Pour cause, un Roi Tikar aurait appelé le Roi Bamoun « mon fils », ce que n’a pas digéré la garde du sultan Bamoun.
Il s’agit d’un conflit et d’une manifestation d’humeurs entre peuples Bamoun et Tikar. Tout se déroule le samedi 3 février 2023 à Magba, un arrondissement situé dans le département du Noun, région de l’Ouest. D’après des sources concordantes, le sultan des Bamoun, Sa majesté Nfonrifoum Mbombo Njoya Mouhamed Nabil a effectué une visite dans cette localité en début de journée.
Lors de son discours de bienvenue à l’attention de son hôte, le Roi des Tikar l’a appelé « mon fils ». Outrée, la garde du sultan, Roi des Bamoun, va brutaliser le souverain Tikar et arraché le micro qu’il tenait à la main.
Des témoins affirment qu’il a ensuite été forcé de s’allonger devant le sultan qui l’a utilisé comme tabouret. Dans une vidéo tournée au palais Magba, on peut voir les gardes du sultan interrompre le discours du roi Tikar, l’attaquer et l’obliger à dire « mon roi » au lieu de « mon fils ».
Intervention du BIR
Un affrontement qui va provoquer l’ire des populations Tikar. Pour venger leur Roi, qu’ils considèrent avoir été humilié, ils ont pris d’assaut les rues de Magba, détruisant à leur passage commerces et propriétés appartenant aux Bamouns.

Ce qui s’apparente à un petit malentendu s’est vite transformé en des affrontements, avec à la clé des actes de vandalisme un peu partout dans la localité. Un détachement du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) de Koutaba s’est dépêché à Magba, où règne depuis lors un calme précaire.
C’est « inexcusable »
Le Dr Abdoulaye L’Aziz Nchare regrette que les choses en soient arrivées là. Il a fait une déclaration, pour expliquer pourquoi le Roi Tikar avait pleinement le droit d’appeler Sa Majesté Nfonrifoum Mbombo Njoya Mouhamed Nabil « mon fils ». Les Tikar étant considérés comme les ancêtres directs des Bamoun.
« Ce qui s’est passé à Magba est inexcusable et peut plonger les communautés Bamoun et Tikar dans la guerre civile pour si peu. Que l’on ne se laisse pas distraire. J’invite chaque Bamoun à prendre ses responsabilités pour éviter ce genre de situation qui nous installerait dans un conflit sans précèdent » a-t-il déclaré avant d’ajouter : « le chef Tikar, peu importe son rang, ne méritait pas d’être battu en public parce qu’il a appelé le sultan Bamoun ‘mon fils’ ».
Les pistes de paix
Pour sa part, Abdelaziz Moundé a fait une proposition à Sa majesté Nabil Mbombo Njoya pour que la paix règne entre Tikar et Bamoun. « Appel à la fraternité à Magba », c’est le titre d’un texte rédigé par le journaliste. Pour lui, l’expression « mon fils » utilisée par le Roi Tikar prend sa source dans la période de l’histoire commune entre ces deux peuples.
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Selon le journaliste, cela n’enlève rien ni à la puissance ni à l’aura, encore moins à l’autorité de l’autre. Bien au contraire, comme on le voit dans bien de chefferies de l’Ouest Cameroun, cela permet d’ancrer davantage le présent dans l’histoire, de valoriser un patrimoine immatériel, de transmettre aux jeunes générations des pans de l’histoire précoloniale de l’Afrique.
« C’est pourquoi il aurait été utile pour des membres de la garde et de la suite du Mfon-roi des Bamoun, de laisser le propos de ce chef aller jusqu’à son terme et d’exprimer, s’il y avait lieu, leur désaccord, par des voies appropriées », a-t-il confié.
Il termine son propos en disant qu’il appartient au Roi Bamoun d’initier, dans un esprit d’apaisement et de conciliation, un retour au calme ainsi qu’une démarche fraternelle permettant de réparer tous les dégâts causés par cette fâcheuse situation.
Histoire
L’histoire raconte que les Bamoun, par l’intermédiaire d’un certain Prince Nchare Yen, en 1394, ont quitté Tikar dans l’Adamawa avec environ 200 hommes pour s’installer dans le Noun et créer le royaume Bamoun.

Une histoire partagée avec tant de populations de l’Ouest et du Nord-ouest Cameroun ; des Bafoussam aux Baleng, des Nso aux Bagam ou Bafut et bien d’autres. Ou encore les Bafia dans le Centre. Les Tikar sont donc considérés comme les ancêtres directs des Bamoun, raison pour laquelle le sultan Nabil Mbombo Njoya, après son intronisation, a dû rendre une visite de courtoisie aux Tikar pour obtenir leurs bénédictions.
Le royaume Bamoun est situé dans la région de l’Ouest, dont il constitue 80% de la population. Il s’agit d’une société précoloniale (traditionnelle), donc conservatrice, qui possède sa propre écriture et sa propre organisation politique et économique. Ce royaume Bamoun a conservé toutes les facettes de son fonctionnement ancestral, malgré tous les évènements qui ont secoué l’Afrique.